Photo en noir et blanc de Thierry VAN DEN BIL à 1 an souriant blond frisé
A 1 an, tout va bien !

Très jeune, j’ai dû porter des lunettes et, vers l’âge de 3 ans, une amblyopie a été diagnostiquée à l’œil gauche. Avec correction, j’ai alors une acuité d’un peu plus d’1/10ème à l’œil gauche et de 7/10ème à l’œil droit. J’apprends à vivre avec et ma scolarité se passe très bien. A 10 ans, je me fais opérer d’un strabisme. Je me souviens que, même si je n’en ai pas beaucoup parlé alors, j’étais très angoissé. J’avais peur de mourir pendant l’opération ou de perdre la vue.

photo d'école traditionnelle Thierry VAN DEN BIL à 7 ou 8 ans. 
Il est blond, souriant, porte une cravate et  est assis à une table les bras croisés au-dessus d'un album jeunesse. Il a un strabisme à l'oeil gauche.
La rituelle photo à l’école : endimanché et très peu naturel ! J’ai 7 ans… 8 peut-être !

Je fais du foot et je suis déjà passionné de lecture. Je lis tout ce qui traîne, mais j’adore surtout aller à la bibliothèque ou me faire offrir un livre. Dès l’enfance, je me mets également au dessin. Certains disent que, dans la famille, on a un don pour ça.

Je suis un enfant assez actif, un peu boudeur, plutôt timide – de tempérament, sans aucun doute, mais aussi beaucoup, je crois, par éducation. Quoi qu’il en soit, tout se passe bien et mon intégration scolaire et sociale est plutôt une réussite Je crois que ma famille est plutôt fière de mes résultats scolaires.

photo de Thierry VAN DEN BIL à 10 ans, assis sur une marche d'escalier,, entre ses 2 soeurs. Son frère est derrière lui et appuie ses mains sur ses épaules. Ils sont en vacances en Charente, à Manot. Le visage des frères et soeurs est flouté.
Eté 1976, en vacances à Manot (Charente), avec mes sœurs et mon frère

L’adolescence se passe globalement bien. Un peu plus rebelle, notamment à 15 ans ! Je pense plus aux copains et copines qu’au lycée. Mais, sous mes cheveux longs et derrière un discours un peu provocateur, sommeille toujours le Thierry sérieux, un peu discret, « bien élevé » comme disent les voisins. J’ai été très amoureux à 14 ans, mais, pour moi, ce n’est pas un signe de l’adolescence, puisque je tombe amoureux toutes les cinq minutes depuis la maternelle. Cette relation a duré quelques mois, plus que les autres en tout cas, et elle a éveillé en moi des sens que je ne connaissais pas vraiment jusqu’alors. Je n’ai pas oublié !

A 17 ans, je suis dans une forme extraordinaire ; je me sens bien ! J’aime tout ce que je fais et me sens très épanoui. J’ai l’impression de tout réussir et d’être aimé de presque tout le monde. Je suis heureux ! C’est l’année où je découvre que l’Amour qu’on croyait unique et irremplaçable peut renaître dans les bras d’une autre : plus grand, plus beau, plus fort, plus fou, plus doux… Je commence à oser imaginer ma vie adulte : pas de certitudes, mais quelques rêves de plus en plus tenaces !

J’ai détesté mes 18 ans !!!

L’année de mes 18 ans – l’année du bac, je perds brutalement la vue. D’abord, l’œil droit, puis, quelques mois après, l’œil gauche. La vue s’effondre, la vie s’effondre. Tout avenir me semble alors compromis. Mes projets m’apparaissent désormais irréalisables : me marier, devenir père, faire du sport, préparer Sciences Po Paris, l’ENA, développer mon engagement aux Eclaireurs de France. Et, d’abord, dans l’immédiat, avoir le bac !

Tout semble s’arrêter, se figer. Se figer comme le souvenir angoissant que je garde de mon arrière-grand-mère aveugle, toujours assise à la même place, dans sa cuisine, toujours à faire la même chose, c’est-à-dire presque rien. Se lever, manger, priser, écouter la radio, bavarder – quand quelqu’un la visite – écouter, toucher les objets, les visages, aller aux toilettes, palper les murs, les portes, les arêtes de tables, le dossier des chaises, chercher son verre, boire, priser encore, demander de l’aide, attendre… Plonger dans ses souvenirs d’avant la cécité, se taire sur ceux qu’elle n’a pas pu – ou pas su, pas voulu (?) – construire depuis la cécité, depuis 50 ans… Ecouter de la musique, être gourmande, manger ce délicieux gâteau belge, ne pas voir la fourmi qui s’active sur les paillettes de chocolat, sur la meringue, l’engloutir en même temps que la deuxième bouchée, se régaler, se pourlécher, étaler le chocolat sur la joue droite, donner un baiser collant au petit dernier de la famille dont les parents viennent lui tenir compagnie, pour prendre de ses nouvelles, pour lui raconter le dernier film qu’ils ont vu, le dernier livre qu’ils ont lu, lui décrire la petite tête joufflue du dernier, son regard espiègle et brillant, le bronzage des aînés qui ont bien profité des vacances à la mer… Et puis – c’est la tradition dans la famille – tirer les cartes ! Quand j’avais cinq ans, ma mère m’a expliqué : « Mémé ne voit pas clair, elle est aveugle. Si tu veux qu’elle te voit, tu dois t’approcher, te coller contre elle, pour qu’elle puisse te toucher, caresser ton visage, tes mains, tes bras, tes cheveux… C’est comme ça qu’elle te voit ! Voilà, tu vois, c’est ça être aveugle… Elle ne te voit pas ! Mais, elle a un don ! Elle voit l’avenir ! Elle tire les cartes et elle voit l’avenir ! Elle sait ce qui va se passer. » Alors, le rituel commence. On lui donne son jeu de cartes et elle les étale méthodiquement sur la table. Tout le monde l’entoure silencieusement. On n’entend que le bruit sec du carton qui claque sur la table. Je ne peux m’empêcher de me demander comment elle va lire l’avenir dans les cartes si elle ne voit pas les cartes. Mais, chut ! Aucun bruit, surtout pas de bruit ! Ça pourrait la gêner, la déconcentrer et… alors… elle ne verrait pas l’avenir. Et personne ne saurait si Bernadette aura une fille ou un garçon, si papa va avoir une augmentation le mois prochain, si Gisèle va encore être enceinte l’année prochaine, s’il fera beau cet été, si la Mort rode parmi les membres de notre famille, ou l’Amour… Mais, bon ! Avant de lire l’avenir, il va bien falloir qu’elle les voit ces cartes ! Alors, c’est Quinquin qui s’y colle ! Elle s’approche de sa mère (Quinquin, c’est Mado, Madeleine ; c’est la dernière fille qu’elle a eue, parce que les médecins avaient dit à mémé qu’une grossesse et un accouchement, ça pourrait lui rendre la vue. Alors, elle a fait un enfant ! A l’époque, on croyait en la médecine, comme on croit aux miracles ! Alors, Quinquin est venue, mais sans la vue ! Les médecins avaient prévenu : « Ça ne marche pas toujours ! »). Mémé retourne des cartes en respectant une logique mystérieuse, un rituel d’aveugle inaccessible aux voyants. Quinquin lui donne la figure des cartes. Et tout le monde écoute ! Non ! Rien ! Elle retourne encore une carte, une autre et une autre… Puis, l’oracle tombe ! Bernadette est rassurée : elle aura une fille ! Un aveugle, ça ne voit pas, ça pré-voit ! Moi aussi, j’aurais bien aimé poser des questions à mémé, tel Ulysse consultant Tirésias. Je lui aurais demandé si je marquerai un but au foot, samedi prochain ; quand Sophie va tomber amoureuse de moi ; si j’aurai une bonne note au prochain devoir de maths… Mais non ! Ce n’est pas pour les enfants ! C’est sérieux ! J’ai parfois eu envie de lui soutirer, en cachette, quand nous étions seuls, elle et moi, les secrets de son don de voyance. Mais je n’ai jamais osé. Mémé me faisait peur. Ses grands yeux bleus clairs qui me regardaient sans me voir me troublaient. J’avais l’impression que, même si elle ne me voyait pas, elle était capable de voir en moi, de lire en moi. Elle était bien capable de voir l’avenir ! Mais, je crois aussi que je redoutais sa réponse : « Toi aussi, tu as le don ! Il est en toi ! Mais pour voir l’avenir, tout comme moi, tu devras devenir aveugle ! Pour voir l’avenir, tu ne peux pas voir le présent ! » En fait, ce n’est pas mémé qui me faisait peur, mais ses yeux qui ne servaient à rien d’autre qu’être grands et bleus, ses yeux qui ne voyaient pas. Je tremblais de devenir – ou d’être – comme elle. J’en faisais des cauchemars. Je ne voulais pas devenir invisible au monde comme elle. En présence d’un aveugle, beaucoup font comme s’il n’était pas là ; il devient invisible ; on l’ignore… « On peut faire ce qu’on veut puisqu’il ne nous voit pas ! » Je le sais parce que je l’ai vu, je l’ai constaté. Moi-même, je l’ai fait.

photo de Thierry VAN DEN BIL lors du Camp Eclaireurs de France 1985, à Stirling, Ecosse (année de sa totémisation, Kinkajou) Il pose avec 2 amis éclaireurs dont les visages sont floutés. Au loin, le Monument William Wallace, sur la colline d'Abbey Craig
Camp Eclaireurs de France 1985, Stirling, Ecosse (année de ma totémisation, Kinkajou) Au loin, le Monument William Wallace, sur la colline d’Abbey Craig

Cette image figée de mon aïeule m’angoisse le jour où je perds la vue. Je crains que ma vie ne se fige, elle aussi. C’est irrationnel, certes, mais c’est réel et violent. Je baigne dans le monde opaque de l’irrationnel, des truismes, des préjugés, des monstres… Mais mon ancêtre n’est plus là. Je ne peux pas lui poser de questions ; elle ne peut plus me répondre. Ce sont les médecins qui le font : très bons en ophtalmologie, très nuls en psychologie. Et pourtant, j’ai eu la chance de rencontrer les plus grands, ceux qui vous écrasent de leur science, leur notoriété et leurs certitudes, ceux qui ne tournent pas autour du pot : « Vous avez une névrite optique de Leber. » (Aujourd’hui, on dit plutôt une neuropathie optique héréditaire de Leber. C’est une autre expression, mais ça ne change rien !) « – Ah… ! Heu… ! Ça se soigne comment ? » « – Il n’y a aucun traitement ! » Puis, je n’ai plus rien entendu, comme si j’avais perdu conscience : aveugle et sourd ! Je me souviens seulement que je me suis levé et me suis dirigé calmement vers une fenêtre. J’avais envie de hurler, mais j’étais sans voix : aveugle et muet ! J’avais envie de frapper. Frapper quoi ? Frapper qui ? L’ophtalmo, ma mère, Dieu, moi, le bureau, la porte, le mur, le sol… Mais je n’ai rien fait : aveugle et paralysé ! Je suis resté calme. J’ai regardé par la fenêtre, vers la lumière, la vraie… et j’ai pleuré… longtemps, abondamment… Je n’entendais plus rien ! Je ne disais plus rien ! J’étais cataleptique ! Je me demandais simplement combien de temps je verrai encore la lumière… et les gens ? Les filles ? Le ballon de foot ? Les livres ? Je me demandais… POURQUOI MOI !

Photo en noir et blanc de Thierry VAN DEN BIL lors d'un Camp Eclaireurs en 1987, à Montpezat sous Bauzon, en Ardèche. Il est en train de scier une buche. La photo a la moitié gauche jaunie.
Camp Eclaireurs 1987, Montpezat sous Bauzon, Ardèche

Il n’y a aucun traitement, c’est une maladie rare, une maladie orpheline. Celle dont on parle au Téléthon, maintenant. A l’époque, on ne sait rien. On ne connaît que les symptômes… Il n’y a aucun traitement. Mais on m’a quand même prescrit du Trivastal, des vitamines B1-B6-B12 et, surtout, de la cortisone. Pourquoi ? Je ne le sais pas ! Alors, je respecte la médication comme on se soumet à une incantation. On ne sait jamais ! Diafoirus fait rire les bien-portants, pas les malades. Je suis désespéré, mais je fais de chaque geste un espoir, de chaque événement insignifiant un signe de salut, de ma volonté un agent actif, de mon action désordonnée une thérapie magique. J’essaie tout, mais il n’y a rien. Je me surprends à prier. Moi qui prétendais être athée et cynique ! J’accepte de mettre « mes yeux » entre les mains d’un rebouteux – un magnétiseur. Pour faire plaisir à celle que j’aime, donc par amour – lui dis-je. Mais, au plus profond de mon âme, parce que je ne risque rien d’essayer et que je crève d’envie de voir, de ne pas perdre complètement la vue. Aujourd’hui – et même alors – je sais que c’est irrationnel et que ça ne me ressemble pas. Mais je sais aussi que je devais le faire. Pour espérer un jour me reconstruire, je savais, inconsciemment, que je devais ne pas me détruire, donc chasser toutes ces idées sombres de disparition, de fin de vie, de néant qui s’instillent malgré vous. Oui ! J’ai tout essayé ! Et j’ai d’abord suivi à la lettre l’ordonnance des guérisseurs en blouse blanche. Scrupuleusement ! Méticuleusement ! Dévotement ! Mais, ça n’y a rien fait ! Une grande « tache blanchâtre – un scotome – est apparue au centre de mon champ visuel et le reste, ce qui reste « visible », est flou. Vous pouvez vous en faire une idée en lisant cet article.

Photo de Thierry VAN DEN BIL lors du Camp Eclaireurs de France 1990, à Ranchal, dans le Rhône - Il est avec amie éclaireur dont le visage est flouté.- Son handicap visuel est invisible
Camp Eclaireurs de France 1990, Ranchal, Rhône – Avec une amie – un handicap invisible

Lorsque j’affirme que ça n’y a rien fait, je manque de rigueur, car après quelques mois de traitement, j’étais méconnaissable physiquement : j’avais subi une fonte musculaire qui m’avait fait perdre plus de 15 kg et ma peau s’était couverte de pustules volumineuses sur tout le corps ; j’étais défiguré. Personne ne m’avait parlé des effets secondaires possibles de la cortisone. De la même manière, personne ne m’a jamais expliqué qu’il était possible que je conserve toujours une vision périphérique, certes faible, mais suffisante pour continuer à me déplacer de façon autonome, percevoir les formes, la lumière, le mouvement, et apprendre à utiliser des stratégies de compensation pour « lire ». J’ai très longtemps vécu dans l’angoisse de la cécité complète. C’est inhumain !

Seuls deux alliés m’ont alors fait sortir de l’ombre : un opticien généreux et ma volonté – mon entêtement. Au tout début de la maladie, j’étais donc anéanti parce que j’étais devenu déficient visuel profond en quatre mois et, surtout, parce que j’étais persuadé que je serai atteint de cécité complète dans un avenir indéterminé – l’angoisse de le savoir sans savoir. De plus, mon corps – que je ne voyais plus dans le miroir – était devenu laid et fragile à cause de mon traitement. A 18 ans ! Au moment où je commençais à m’accepter, à m’aimer, à m’admirer, à être fier de mes prouesses physiques, sportives, intellectuelles… A l’âge où j’avais enfin trouvé l’assurance, la confiance en moi, où j’acceptais qu’on me regarde, qu’on me trouve beau ! Une époque de ma vie où je dévorais des yeux la beauté féminine avec pudeur, respect et exaltation délicate et intime. Au moment où j’étais en train de devenir l’homme que j’avais toujours voulu être, un épicurien… Le plus douloureux, pourtant : ne plus lire comme avant, tout et tout le temps, partout, studieusement, légèrement, rêveusement… C’était fini !

Je ne savais pas quoi faire. Je ne savais qu’une chose : je veux vivre ! Je veux vivre différemment, difficilement, mais je veux vivre, exister.

Vidéo youtube de « 6ème sens » – Grand Corps Malade

Alors, j’ai tout fait, dans tous les sens, sans vraiment réfléchir… J’ai d’abord arrêté le traitement qui me maltraitait. J’ai acheté des loupes, j’ai appris le braille pour « lire avec mes doigts », je me suis inscrit à l’Association des Donneurs de Voix pour « lire avec mes oreilles » et j’ai décidé de faire comme avant : football, randonnée, danse, théâtre, scoutisme, musique, études, lecture, dessin… Il fallait que j’avance pour ne pas perdre l’équilibre. Je sentais bien que la tristesse me rongeait, que l’angoisse m’empêchait de rire, que la colère aussi m’aveuglait, que la souffrance m’isolait, que mes convictions étaient ébranlées… Mais je ne devais pas arrêter, ni ralentir. Je cherchais un sens à ma vie. Pouvait-elle en avoir un ? Inconsciemment, je suis allé dans tous les sens, peut-être dans l’espoir d’en trouver un. John Hull, dans son livre autobiographique, estime que quand on perd la vue, « il faut recréer sa vie sous peine d’être détruit ».

D’abord, avoir le bac ! Sans savoir pour quoi, dorénavant ! Mais ça viendrait ! Aide de certains professeurs (philo, histoire, latin…), indifférence des autres et – déjà – quelques remarques condescendantes, maladroites et blessantes de quelques-uns. Soutien, tendresse, amour, empathie des copains et copines : la moitié ! Les autres étaient déjà « vieux », ou lucides, ou dans la course à l’échalote… Mes loupes, mes photocopies agrandies, les yeux des autres, leur voix, ma mémoire, mon attention… Et puis, on m’a proposé un tiers temps pour passer les examens. Je n’en voulais pas. On m’a convaincu. J’ai passé les épreuves avec « les handicapés », deux « moteurs », deux « visuels » – dont moi, chacun dans sa salle, pas avec les autres… De l’apprentissage de l’« exclusion » ?!  Finalement, ce tiers temps, j’en ai eu besoin : je l’ai utilisé à chercher la force et les raisons de remplir ma copie, malgré l’isolement, en dépit de la vacuité de la situation qui ne laissait présager rien de bon pour la place que j’aurai dans la société – ou hors de la société.

J’ai le bac ! Sans gloire ! Sans joie ! Un peu de fierté liée aux conditions, sans plus ! Puis, je m’inscris en droit. Je décide de ne rien dire, car je ne veux pas être vu comme le petit handicapé de la promotion. Je ne mens pas ! Je cache ! Je n’ai pas beaucoup de mérite, car mon handicap est invisible (« Quelle chance ! »). C’est dur, mais je préfère. Je me dis qu’ils ne sont pas prêts. Un jour, peut-être…

reproduction de la carte étudiant 1992-1993 de Thierry VAN DEN BIL - Maîtrise de Droit Public à l'université de Lille 2
ma carte étudiant 1992-1993 – Maîtrise de Droit Public à l’université de Lille 2

Je m’égare, je m’éloigne de mon sujet. Mais, au fond, pas tant que ça ! Il s’agit bien d’inclusion des personnes handicapées. Je fais rapidement l’expérience de l’obstacle que constituent les représentations sociales et culturelles du handicap. Durant mes années d’études, je rencontre un aveugle qui, lui aussi, fait son droit. Que n’ai-je entendu à son sujet : « A quoi ça lui servira d’avoir fait des études. Même s’il réussit, il ne pourra jamais travailler ! Et s’il devient avocat, comme il le souhaite, qui lui fera confiance en lui confiant ses intérêts ? Qui peut faire confiance à un aveugle ? » Quand j’entends ces ignominies et les rires moqueurs derrière son dos, je suis convaincu du bien-fondé et de la fermeté de mon choix : ne pas révéler mon handicap, car « il est plus facile de désintégrer un atome qu’un préjugé ».