Editions Gallimard, 1951, collection folio, octobre 2017

Auteur : Denis Diderot

Denis Diderot est un écrivain, philosophe des Lumières et encyclopédiste du XVIIIème siècle. Il a exercé son génie dans de nombreux genres littéraires : romans, essais, drames, contes, critiques littéraires…

Tableau représentant Denis Diderot dans son cabinet de travail, assis, en train d'écrire.. Il porte une robe de chambre bleue.
Portrait de Denis Diderot, 1767, Louis-Michel VAN LOO – exposé au Musée du Louvre, Paris

« Lettre sur les aveugles à l’usage de ceux qui voient » est un essai écrit en 1749. Il est le premier ouvrage du philosophe sur la théorie de la connaissance. Il recevra des « Additions » une trentaine d’années plus tard. Les spécialistes des questions relatives au comportement des aveugles et à leurs talents de suppléance considèrent qu’il s’agit d’un texte philosophique et scientifique fondateur en matière de psychologie et d’évaluation de leurs capacités de compensation.

photo de la couverture du livre Lettre sur les aveugles. On voit, en gros plan la moitié gauche, de face du visage d'un homme. Il est brun. On ne voit pas le haut de son crâne. Il met sa main gauche, couverte d'une mitaine vert bouteille, devant son visage, ne laissant ainsi voir que son oeil et son sourcil  gauches. Son iris est sombre avec des nuances de vert et marron. L'arrière-plan est rouge lie de vin.
couverture du livre « Lettre sur les aveugles à l’usage de ceux qui voient« 

Diderot enrichit le débat, entamé quelques dizaines d’années plus tôt, par son observation fine et son analyse audacieuse du comportement des aveugles. Il estime qu’ « il y a bien autant à profiter pour la philosophie en questionnant un aveugle de bon sens  » (p. 68). Il s’attache donc à considérer l’aveugle d’égal à égal en affirmant qu’ « interroger un aveugle-né n’eut point été une occupation indigne des talents réunis de Newton, Descartes, Locke et Leibniz » (p. 70). Il aborde de façon pragmatique les questions relatives à ce qu’on appellera plus tard la résilience* et la vicariance**. La primauté de la vue sur les autres sens est battue en brèche et le toucher affirmé comme le sens qui permet d’accéder à la connaissance et la vérité aussi bien – voire mieux – que la vue.

Il peut paraître décourageant de rentrer dans ce texte daté écrit dans ce style élégant du Siècle des Lumières. Mais le réalisme qui se dégage de certaines situations, les idées nouvelles et les vérités audacieuses qui déstabilisent ses contemporains ne peuvent laisser insensible le lecteur du XXIème siècle pétri de discours lénifiants sur le bien-être et l’inclusion des personnes handicapées. Trois cents ans plus tard, Diderot a toujours raison contre une société qui, se prétendant moderne et humaniste, n’a toujours pas changé son regard sur les aveugles.

Même si l’événement peut sembler appartenir à la petite histoire, il n’est pas anodin de mentionner que cet encyclopédiste sera incarcéré durant deux mois à Vincennes pour avoir écrit ce livre sur les aveugles « contraire à la religion, à l’Etat et aux bonnes mœurs ».

*La résilience est la capacité pour un individu à faire face à une situation difficile ou traumatisante. En psychologie, le concept de résilience (« art de naviguer entre les torrents ») est introduit en France par Boris Cyrulnik. Ce serait donc la capacité à vivre, à réussir, à se développer en dépit de l’adversité.

**A l’origine, la vicariance correspond à un processus de spéciation, c’est-à-dire un phénomène qui permet la différenciation d’une espèce pour en créer une autre. En psychologie, ce concept désigne une entité conceptuelle ou un organe qui supplée à l’insuffisance fonctionnelle d’un autre. Dans les situations de handicap, un processus s’élabore à partir de toutes les opérations qui permettent de comprendre les informations et de les utiliser dans un but précis, comme pour les processus de sélection de l’information, de mémorisation, de comparaison. (« Le triptyque de la déficience visuelle : affordance, vicariance et résilience », Serge Portalier, Enfance 2014/1, pages 5 à 17)

3 citations que j’aime :

Vous êtes surpris de ce que je fais ; et pourquoi ne vous étonnez-vous pas aussi de ce que je parle ? (p. 25)

Je renonce sans peine à une vie qui n’a été pour moi qu’un long désir et qu’une privation continuelle. (p. 67)

Si on lui versait à boire, elle connaissait, au bruit de la liqueur en tombant, lorsque son verre était assez plein. (p. 107)

Quatrième de couverture

Que se passe-t-il quand un aveugle recouvre la vue ? Comment découvre-t-il le monde qui l’entoure ? Comment parvient-il à concilier ce que ses sens lui ont appris lorsqu’il ne voyait pas et ce que ses yeux lui révèlent ?

Une brillante et impertinente remise en cause de la réalité telle que nous la percevons, remise en cause dont la hardiesse vaudra la prison à son auteur…

Disponible sur Eole, la bibliothèque de livres audio ou braille de l’Association Valentin Haüy

Si vous n’êtes pas inscrit à Eole, lire l’article « Lire ! A tout prix ! Même aveugle ! » pour savoir comment faire.

Si vous êtes déjà inscrit, voici le lien pour accéder directement au livre de Diderot (ou cliquez ci-dessous).