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Quatre ans plus tard
En 2020, j’ai créé ce blog pour témoigner des difficultés à conserver son emploi quand on est « handicapé ». J’étais alors en plein combat contre mon employeur, le ministère de l’Education nationale. Il m’avait déclaré inapte à exercer mes fonctions en raison de ma déficience visuelle (Neuropathie Optique Héréditaire de Leber – NOHL). En écrivant, j’étais moins seul, j’avais moins peur ; il fallait que les autres sachent… J’avais besoin de « chercher les mots qui donnent forme à la détresse pour mieux la voir, hors de [moi] » (Boris Cyrulnik, La nuit, j’écrirai des soleils).

Puis, j’ai réussi à retrouver mon équilibre par une pirouette qui a surpris les DRH et leurs sbires, les médecins du travail et autres prétendus experts… C’était assez amusant. Risqué, mais amusant ! Ce sursaut, cette pirouette m’a contraint à quitter l’académie de Lille pour rejoindre celle de Paris. Et le temps a pris le dessus. J’ai laissé mon blog en jachère. Je craignais, évidemment, que la sincérité de mon témoignage, mes maladresses et mes inévitables coups de gueule ne me soient préjudiciables. Obligation d’obéissance hiérarchique, devoir de réserve… J’ai fait profil bas par peur des représailles !
Aujourd’hui, quatre ans plus tard, j’ai à la fois l’envie, le temps et la force de poursuivre ce blog, de parler de mes souffrances, de la méconnaissance des handicaps, de la médiocrité et du mépris de mes interlocuteurs, parfois ; de l’ignorance de la loi, souvent ; de la discrimination, presque systématiquement…

Je veux, modestement, par mon expérience, mon existence, et celle des personnes qui ont croisé ma route, contribuer à une phénoménologie du handicap. Car « le corps est l’existence figée et généralisée, et l’existence est une incarnation perpétuelle » (Maurice Merleau-Ponty). Je dirai comment le corps « handicapé » devient embarrassant et gêne l’interaction sociale. Je rappellerai le paradoxe du discours inclusif de normalité dans une société bien-pensante aux pratiques discriminatoires. Je tenterai de dire pourquoi la différence crée le différend. Je serai, ici, corps, esprit, souffrances, plaisirs, euphorie, dysphorie, faiblesses, forces, homme, femme, enfant, père, fils, frère, cousin, neveu, oncle, ami, mari, amant, collègue, prof, élève, gestionnaire, joueur, principal, accessoire, client, marcheur, dormeur, gourmand, gourmet, citoyen, esclave, libertin, jeune, vieux, vivant…

Aujourd’hui, pour reprendre la plume, je me sens – enfin – prêt à publier un article que j’ai écrit en décembre 2020 et qui met en cause la Maison Départementale des Personnes Handicapées (MDPH) du Nord. Alors qu’on pourrait attendre, de sa part, un comportement particulièrement exemplaire à l’égard des « personnes handicapées », elle a été condamnée par le Tribunal administratif de Lille pour manquement à ses obligations, car elle a refusé d’aménager le poste de travail d’un de ses agents en situation de handicap, Jean-Xavier Welkamp. J’ai choisi de relater son histoire sous le titre « Qui aime bien, châtie bien ! ». Avec un peu d’humour, je m’essaie au pastiche des fables de La Fontaine en m’inspirant « du loup et l’agneau » qui devient, en l’espèce : « La MDPH et l’Aveugle ».


